Que ce soit dans les contes comme Le Petit Chaperon rouge ou des histoires plus récentes, la figure du loup dans la littérature jeunesse est prédominante. Pendant longtemps, cet animal a eu le rôle du méchant, notamment dans les contes traditionnels. C’était le personnage terrifiant qui allait venir dévorer l’enfant s’il n’était pas sage.
Depuis le XXe siècle, le personnage du loup est davantage tourné en dérision, même si le stéréotype du grand méchant loup perdure dans certaines histoires. On lui attribue des traits de caractère inhabituels : on en fait un personnage peureux, maladroit, sentimental… Cela suffit-il cependant à déconstruire le stéréotype du loup dévorateur, qui perdure depuis des siècles ?
La figure du loup à travers l’Histoire
L’Antiquité
Dans l’Antiquité, le loup incarne deux visions différentes et opposées. D’un côté le mal, la sauvagerie, notamment avec la louve de Mormolycée qui mord les enfants désobéissants. De l’autre le bien, avec un côté protecteur, voire nourricier, qu’on retrouve notamment avec Romulus et Rémus. Selon la légende, c’est en effet une louve qui aurait allaité les fondateurs de Rome.
Chez Platon, il est vu comme un tyran, tandis qu’Homère met en avant sa combativité et ses valeurs guerrières. Dans ses fables, Esope utilise le loup pour pointer la méchanceté de l’Homme.
Le Moyen Âge
Au Moyen Âge, le Roman de Renart met en scène Ysengrin, un prédateur sot et glouton. Il y est vu comme une bête sauvage, sans réflexion, à l’inverse de Renart qui humanisé, notamment par sa ruse. Ysengrin signifie d’ailleurs en ancien néerlandais, « féroce comme le fer » ou « casque de fer ». Le loup est sans cesse renvoyé à son statut de bête sauvage, dénué de toute conscience. Il est tourné en ridicule par Renart, qui au gré de ses aventures, s’en prend toujours à lui.
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Le loup est également une figure de terreur à travers les sorciers qui seraient capables de se transformer en loup-garou. Sous l’influence des textes grecs, il y a de nombreux contes relatifs aux loups-garous dans la littérature médiévale.
Pendant la Renaissance, le loup est associé à Satan, ce qui renforce encore son image négative.
Les temps modernes
Entre le XVIIe siècle et le XIXe siècle, le loup est vu par l’homme comme un prédateur, qui peut s’attaquer à lui à n’importe quel moment. Bien que ce ne soit qu’un mythe, celui-ci s’installe dans la littérature jeunesse – en particulier dans les contes – et créé le stéréotype d’un prédateur cruel, prêt à tout pour manger.
Le loup dans les fables
Jean de La Fontaine (1621-1695) utilise énormément la figure du loup dans ses fables. C’est l’animal qui revient le plus souvent. Dans sa fable « Le Loup et le Renard », il représente le loup comme étant fort, manipulateur et beau-parleur. Dans « Le Loup et le Chien », le loup symbolise la liberté individuelle, qui va de pair avec l’insécurité, face au chien qui symbolise la servitude et le confort. Le loup est souvent vu comme cruel, brutal et perfide. Il arrive cependant, comme dans « Le Loup et les bergers », qu’il soit plein d’humanité.
Le loup dans les contes
Dans les contes traditionnels, le loup, représente la figure du monstre par excellence, à tel point que se forme le stéréotype du loup, encore utilisé de nos jours. C’est le méchant de l’histoire, il est terrifiant et il faut le craindre. Le conte du Petit Chaperon rouge en est la parfaite représentation. D’abord oral, ce conte est repris par la suite par de nombreux auteurs et le loup y est bien souvent mentionné comme étant « le grand méchant loup ».
Dans la version de Charles Perrault (1628-1703), le conte n’a pas une fin heureuse : le loup dévore le petit chaperon rouge. Le loup a un rôle séducteur, il représente la gente masculine. La morale du conte est de mettre en garde les jeunes filles face aux dangers de la séduction masculine.
Dans la version des frères Grimm (Wilhelm : 1786-1859 ; Jacob : 1785-1863), le conte finit bien : le bucheron sauve le chaperon rouge et sa grand-mère. Elles sont délivrées et le loup est puni.
Un symbole du danger
De manière générale, le loup symbolise le danger, et plus largement, les dangers de la vie. Nous venons de le voir dans le conte du Petit Chaperon rouge, mais c’est aussi le cas dans Les Trois Petits Cochons, Le Loup et les Sept Chevreaux, Pierre et le Loup, et bien d’autres contes. On se le représente avec de grandes dents, un pelage sombre, une grande force et affamé.
Durant l’Ancien Régime, des histoires comme celles de la Bête du Gévaudan (souvent représentée comme un loup) qui aurait été vue entre 1764 et 1767, font naître une peur collective de l’animal et renforcent son image négative.
L’époque contemporaine
Au XIXe siècle, le loup est un animal dont la population va grandement diminuer. Un article du journal Le Monde indique en juin 2014 qu’il n’en reste plus que 301 sur le territoire français.
Pour autant, il reste tout aussi présent dans la littérature, en particulier celle jeunesse. Son image va cependant changer. Le loup est un personnage qui plaît aux enfants, qui fait peur, mais qui fascine.
Un blason redoré
En 1894, Rudyard Kipling écrit Le Livre de la Jungle, dans lequel l’image du loup est redorée. Mowgli, le personnage principal, est en effet élevé par les loups. L’animal n’est pas considéré comme une bête féroce, assoiffée de sang, mais comme un animal qui a le sens de la famille, qui vit en meute et respecte la hiérarchie. Il se nourrit de bêtes, mais pas d’humains.
Dans Croc-Blanc de Jack London, le loup a également une image positive, du fait d’une approche naturaliste. L’auteur montre en effet que le loup obéit seulement aux lois de la nature. Il incarne dans le livre, l’amour de la liberté et la haine de la servitude et de l’esclavage. Le lecteur éprouve de la sympathie face au courage du loup.
Au XXe siècle, de vrais spécialistes s’intéressent au comportement du loup. Celui-ci est en train de disparaître de France et aucune attaque volontaire d’un loup n’a été recensée durant ce siècle.
Le loup fait aujourd’hui son retour en France. Pour en savoir plus, retrouvez notre entretien avec Jean-Christophe Poupet, responsable des programmes Alpes au WWF France, en charge des programmes liés à la protection des grands carnivores.
Le détournement du stéréotype du loup
Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle que le stéréotype du loup est détourné au profit d’un loup peureux, bête ou sentimental.
De nombreux albums jeunesse mettent en avant cet animal et jouent avec. Les éditions Auzou en font même le héros d’une série d’ouvrages Le Loup, au point où il devient une mascotte pour les enfants.
Parmi les albums jeunesse, on peut citer quelques exemples qui détournent le personnage du loup :
- Mademoiselle sauve qui peut de Philippe Corentin : une revisite du Petit Chaperon rouge, mais avec une inversion des rôles. C’est le loup qui est la victime, il est effrayé par Mademoiselle sauve qui peut.
- Le loup est revenu et Je suis revenu de Geoffroy de Pennart : la première prend le point de vue des victimes dans les contes (le petit Chaperon rouge, le lapin, etc.) et la seconde du loup, qui se présente lui-même comme étant méchant et affamé.
- Le loup sentimental de Geoffroy de Pennart : c’est un loup affamé, mais qui est trop sentimental pour manger les éventuelles proies (un Petit Chaperon rouge, trois petits cochons, Pierre…) rencontrées.
- La Soupe au caillou d’Anaïs Vaugelade : on s’attend à tout moment à voir le loup devenir méchant, cet album laisse libre cours à l’interprétation chez l’enfant.
- Timide le loup de Geneviève Noël : le héros de cet album est un loup qui ne mange que des choux et des carottes !
- Bonsoir loup de Grégoire Solotareff : le loup est antropomorphisé. Tout comme l’enfant, il a une routine avant de se mettre au lit.
Le loup et l’enfant
Dans la littérature jeunesse (et en particulier dans les contes traditionnels), le loup représente donc le danger. Selon le psychologue Bruno Bettelheim, cette figure du loup terrifiant permettrait à l’enfant d’extérioriser ses angoisses, voire de les soulager. Les contes détournés et autres albums contemporains sur le loup ont-ils permis de changer l’image de cet animal auprès des enfants ? Ou bien reste-t-il, dans leur imaginaire, un personnage cruel et dévoreur qu’il faut craindre ?
C’est la question que se sont posées Agnès Clément et Émilie Alessi dans leur mémoire Les représentations du loup dans la littérature de jeunesse… Du conte traditionnel au conte détourné, 2016. Elles ont d’un côté élaboré un questionnaire sur le loup destiné aux élèves de cycle 2 (CP, CE1 et CE2) et de l’autre fait une lecture en réseau sur le personnage du loup dans une classe de GS.
Le loup : méchant préféré des enfants
Le questionnaire montre qu’entre l’ogre, la sorcière et le loup, le personnage préféré des enfants est le loup (52 % contre 32 % pour la sorcière et 16 % pour l’ogre). Il faut néanmoins nuancer ce résultat : la sorcière remporte un franc succès auprès des filles alors que les garçons préfèrent le loup et l’ogre. Sur 56 filles, 28 préfèrent la sorcière contre 23 pour le loup. Sur 44 garçons, seulement 4 préfèrent la sorcière contre 29 pour le loup.
Le personnage du loup met donc tout le monde d’accord. Selon l’étude, les raisons qui le mettent en favori sont sa méchanceté, la peur qu’il inspire, ses caractéristiques physiques, son lieu de vie (montagne ou forêt), ses caractéristiques morales positives (gentil, rigolo, malin…) et le fait que ce soit un personnage d’action.
En dépit des nouvelles histoires, le stéréotype du loup méchant et dévorateur perdure. Toujours dans le cadre de cette étude, les enfants ont dessiné le loup. Le résultat montre qu’ils lui donnent une mine sympathique, mais avec des caractéristiques qui lui sont propres comme les dents pointues, le pelage sombre et la position à quatre pattes.
De même, le questionnaire a demandé aux enfants de citer des ouvrages avec un loup. Le plus cité a été Le Petit Chaperon rouge (73 fois), suivi des Trois Petits Cochons (42 fois) et Le Loup, la chèvre et les sept chevreaux (14 fois). Ce sont donc des histoires avec le stéréotype du loup méchant et dévorateur qui reviennent, ce qui montre à quel point cette figure du loup reste ancrée dans les esprits des enfants, de génération en génération.
Les enfants ont-ils peur du loup ?
Pourtant, à la question de si l’enfant a peur du loup, 69 % des enfants ont répondu que non. Parmi les oui, les ⅔ sont des filles et la raison principale est l’angoisse d’être dévorée. Aussi, si le loup demeure une bête féroce et effrayante dans l’imaginaire, dans la réalité, les enfants ne sont majoritairement pas effrayés.
Enfin, les enfants ont majoritairement conscience que le loup est un animal réel (71 %), même si très peu l’ont vu dans des documentaires ou des zoos. Résultat, chaque enfant s’en fait sa propre perception. Certains le voient comme un monstre affamé, d’autres comme un animal gentil proche du chien. Comme le souligne l’étude : « Rarement un personnage réel devenu personnage de littérature aura été aussi populaire et aussi diversement perçu que le loup. »
C’est pourquoi il est aussi important de sensibiliser les enfants au loup. D’autant plus s’il fréquente des zones d’habitation du loup, ou s’il s’intéresse à cet animal. Découvrez les conseils de la WWF à ce sujet, à la fin de notre article « Loup y es-tu ? Entretien avec Jean-Christophe Poupet, WWF France ».
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