Tendances et éducation

Loup y es-tu ? Entretien avec Jean-Christophe Poupet, WWF France

Chez Plume, la protection de l’environnement est une cause qui nous tient à cœur. C’est la deuxième année que Plume participe à la campagne “Stop Extinction” de WWF France, en écrivant des contes pour protéger les animaux menacés. 

Le loup, cette figure incontournable des contes pour enfants, ne fait pas aujourd’hui partie des espèces en voie d’extinction. Cependant, sa réhabilitation est encore fragile. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Comment protéger cette espèce qui avait disparu du territoire français pendant des années ? Comment sensibiliser les plus jeunes et changer de regard sur le loup ?

Pour répondre à ces questions, nous nous sommes entretenus avec Jean-Christophe Poupet, Responsable des programmes Alpes au WWF France, en charge des programmes liés à la protection des grands carnivores.

Le loup, ce mal-aimé

En France, le loup est auréolé d’une perception négative. Dès l’enfance, c’est une figure très présente, que ce soit dans les jeux, les contes ou les comptines. La plupart du temps, il est cruel, manipulateur, carnassier : il représente la menace suprême. Il peut aussi être stupide et tourné en ridicule, comme le loup Ysengrin dans Le Roman de Renart. Ce n’est pas vrai dans tous les pays européens : ainsi, en Italie, le loup jouit d’une image plus positive, grâce notamment à la louve romaine.

À lire aussi : Que lui faire lire : littérature jeunesse ou littérature classique ?

D’où vient cette relation si ambiguë au loup ? Il est vrai que le loup est un animal social, qui vit à proximité des activités humaines. « Il mange dans la même assiette que la nôtre », s’amuse Jean-Christophe Poupet. Au sommet de la pyramide alimentaire, tout comme l’homme, il est intéressé par la production et la consommation de nourriture humaine. Le loup et l’homme partagent les mêmes territoires, les mêmes espaces de vie, notamment à la montagne.

Il n’y a donc rien d’étonnant à voir un loup à proximité d’habitations humaines. « En Roumanie par exemple, personne ne s’étonne plus que ça de voir un loup traverser un village. Quand cela arrive en France, et c’est plus fréquent cette année, sans doute dû au confinement de l’année précédente, les gens sont très surpris, alors que cela n’a rien d’anormal. Notre point de vue est déformé par notre passif culturel », explique le Responsable des Programmes de protection des grands carnivores.

Le loup, ce mal-aimé

Le lent retour du loup en France

Le loup avait disparu du territoire français dans les années 1930. Il y est revenu naturellement depuis une trentaine d’années, par la frontière italienne. On compte aujourd’hui environ 600 loups en France, concentrés dans les départements alpins, mais présents aussi à l’ouest et au nord. 

« Sans qu’il y ait eu une intervention quelconque de l’homme, le loup est dans une progression vers une viabilité de sa population en France », explique Jean-Christophe Poupet. « Le territoire est plutôt favorable avec beaucoup d’espace libre et les proies sont abondantes. On le retrouve de plus en plus dans des départements plus peuplés par les hommes, moins abrités du regard que les montagnes. »

Si la tendance est positive, il y a encore quelques éléments manquants pour assurer la viabilité de la population. Aujourd’hui, on ne compte qu’une centaine de meutes de loups, toutes situées dans les Alpes. Les loups présents ailleurs sont des individus isolés qui ne se reproduisent pas encore.

Par ailleurs, les loups présents sur le territoire français proviennent tous de la même souche génétique italienne. Pour assurer une meilleure résistance aux maladies, le brassage génétique est indispensable. Il peut se faire grâce à la souche polonaise, déjà présente dans les Alpes, ou via les Pyrénées grâce à la souche ibérique. Sans cela, la pérennité de la population n’est pas garantie à long terme.

Cependant, comme l’explique Jean-Christophe Poupet, « Avec ces 600 loups dans les Alpes et l’impact qu’ils peuvent avoir sur les activités humaines, on ne peut pas être dans un discours angélique par rapport à la conservation et à la préservation de l’espèce. Les situations de contact entre le loup et l’homme sont multipliées. Notre enjeu au WWF est de faciliter la coexistence, et pour cela il est indispensable de travailler sur une vision d’adaptation à la présence du loup, cet animal qui avait disparu du territoire ».

Un animal peu dangereux mais sauvage

Être au contact d’un loup n’est ni exceptionnel, ni dangereux : les cas d’attaques de loups sont extrêmement rares. La plupart de ces occurrences par le passé peuvent être imputées à la rage. En situation normale, le loup n’attaque pas ou très peu les êtres humains. Ce sont des animaux farouches ; ils peuvent se montrer curieux des humains et venir les observer, mais ils maintiennent leurs distances. « L’ours, dans certaines situations, est plus dangereux pour l’homme que le loup. Et pourtant, l’ours en peluche représente le réconfort pour tous les enfants ! » souligne Jean-Christophe Poupet.

Mais attention cependant à ne pas idéaliser l’image qu’on a du loup :  cela reste des animaux sauvages. Comme l’explique le Responsable du programme Alpes, « C’est un animal qui fait des dégâts sur les exploitations agricoles, qui inflige des souffrances physiques aux animaux et des souffrances psychologiques et économiques aux agriculteurs. Le loup est un prédateur. Quand on se rend sur une scène d’attaque d’un troupeau par un loup, le tableau n’est pas beau à voir. »

L’enjeu de WWF : faciliter la cohabitation du loup et de l’homme

Aujourd’hui, le combat ne se joue donc plus totalement sur le plan de la préservation de l’espèce

« On ne peut plus revenir en arrière sur la présence du loup en France. Il a sa place, il y est pour longtemps. Même dans le monde agricole, des éleveurs et des bergers sont prêts à s’impliquer sur la voie de la cohabitation », souligne le Responsable du programme Alpes.

Aujourd’hui, le loup bénéficie d’un Plan National d’Action piloté par l’Etat, comme toutes les espèces protégées. Cependant, ce plan intègre une dérogation au droit européen qui permet dans certains cas très spécifiques de pouvoir tirer sur des loups ayant occasionné des pertes dans les troupeaux. Au WWF France, “tout en s’inscrivant dans le respect de la loi, nous désapprouvons tout recours abusif à cette dérogation, qui débouche dans certains cas sur des tirs létaux à l’aveugle.”

« Il faut laisser de la place à cette espèce pour que la viabilité de sa population se renforce et se stabilise. Parfois, les tirs peuvent même être contre-productifs : ils peuvent créer deux meutes au lieu d’une. La politique de tir ne doit pas être le premier maillon de la chaîne pour la gestion de cette espèce, c’est la protection des troupeaux et l’effarouchement du loup qui sont prioritaires. »

Pour le WWF, l’objectif est de trouver la voie d’un équilibre entre conservation du loup et intérêts économiques. Pour cela, une des principales pistes explorées par l’association est de contribuer à la réacquisition des savoir-faire de conduite pastorale, perdus depuis la disparition de cette espèce en France, mais qui existent toujours par exemple en Italie ou en Espagne.

Entre chien et loup, le programme du WWF France

Le WWF France a mis au point un programme de terrain, intitulé « Entre Chien et Loup ». Il s’agit d’un ​​programme d’aide à la cohabitation loup/pastoralisme initié dans la vallée de Chamonix, en Haute-Savoie. L’objectif est de démontrer que la cohabitation est possible, afin que les mêmes méthodes se développent sur tous les territoires peuplés par des loups.

Aider les éleveurs à protéger leurs troupeaux

Le premier axe de ce programme consiste à améliorer la protection des troupeaux. « Il y a une image qu’on aime bien utiliser chez WWF, c’est celle du “pot de confiture sur la table” : si les troupeaux sont facilement accessibles, le loup va choisir d’aller se nourrir dans les élevages plutôt que de chasser des animaux souvent plus agiles et rapides que lui. Or comme les loups avaient complètement disparu du territoire, les éleveurs n’avaient plus besoin de mesures de protection », explique Jean-Christophe Poupet.

Dans le cadre du programme, les bénévoles de WWF France aident à renforcer les clôtures, surveillent les troupeaux la nuit, ou participent à l’éducation et à la conduite de chiens de troupeaux (les chiens patous). 

Ils partagent également leurs connaissances de l’espèce, issues des recherches éthologiques en cours, pour aider à effaroucher le loup lorsqu’il s’approche des troupeaux. 

Faire adopter les bonnes pratiques aux visiteurs

L’adoption de chiens de protection de troupeau pose de nouvelles problématiques : ils peuvent s’avérer très impressionnants auprès des randonneurs, touristes ou VTTistes. Tous ne maîtrisent pas les bonnes pratiques à adopter en présence des chiens. Il faut apprendre à cohabiter avec ces derniers également.

Une des actions mises en place par WWF France dans le cadre du programme est de mettre à disposition des personnes ou organismes intéressés des panneaux qui récapitulent les bonnes pratiques. 

Comment sensibiliser les enfants ?

Vos élèves sont pris de curiosité au sujet du loup et vous souhaitez les sensibiliser à la cause animale ? Voici quelques axes de discussion et d’actions à mettre en place auprès du jeune public.

Pour les enfants qui fréquentent des zones d’habitation du loup 

Ce peut être intéressant de les sensibiliser à la gestion d’un troupeau. N’hésitez pas à leur partager les bonnes pratiques présentées sur le panneau ci-dessus. Vous pouvez le télécharger ici pour l’imprimer et l’afficher en classe. 

Vous pouvez également vous adresser à votre mairie ou à votre office de tourisme pour demander la mise en place d’activités autour du loup, comme des sorties en montagne pour repérer leur passage. Ce sont des initiatives qui existent en Italie (dans le parc des Abruzzes notamment), qui sont en développement dans différents massifs en France et qui permettent de mieux connaître le loup et de favoriser son acceptation.

Pour les enfants qui s’intéressent au loup

« Attention à ne pas trop “humaniser” le loup », conseille Jean-Christophe Poupet. « Il n’est ni méchant ni gentil, mais il est présent dans le système, il a un impact, et on doit trouver des moyens de limiter cet impact sur les activités humaines. »

Pour mieux comprendre l’action des chiens de protection de troupeaux, vous pouvez aller voir les vidéos du Projet CanOvis, mené par l’institut IPRA (fondé par Jean-Marc Landry). Ce sont des vidéos filmées la nuit, à la caméra thermique, qui permettent de voir l’approche du loup et la réaction des chiens de protection. À regarder avec les plus grands !

Et si vous souhaitez sensibiliser votre classe à la cause animale, vous pouvez également lui donner rendez-vous sur Plume dans la section Défis : 5 défis seront à relever autour de 5 animaux menacés pour comprendre leurs problématiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.