Le 5 juin, au théâtre Mogador à Paris, s’est tenu un événement très spécial : la cérémonie du concours d’écriture Les Petits Molières.
Ce concours d’écriture engagée, ouvert aux élèves du CP à la 3ᵉ, c’est la mise en lumière des mots de milliers d’enfants qui rêvent, dénoncent, espèrent et s’indignent. Les gagnants, venus de toute la francophonie, ont lu leurs textes devant un public attentif et ont reçu leurs prix.
Cette année, les participants ont été plus de 105 000. 4784 classes étaient inscrites, avec 3338 écrits envoyés partout à travers le monde. Et comme le rappelle Aude Guéneau, la fondatrice de Plume, “Là où il y a de la francophonie, il y a des Petits Molières”.
Douze textes ont été récompensés, mais à vrai dire, la vraie victoire a été de voir autant d’enfants écrire pour dénoncer. (Pour tout savoir sur le concours Les Petits Molières, cliquez ici).
Des mots pour dire l’injustice grâce au concours d’écriture
Les thèmes proposés aux élèves étaient vastes : écrire un monde meilleur, réparer le monde, rêver l’école, protéger la Terre. Et les réponses ont été puissantes : les enfants ont parlé du climat, du harcèlement, de la pauvreté, du racisme ou encore du mariage forcé.
Louisa et Léna, deux élèves de CM2, ont écrit un texte fort, Le rêve de Zaïna, qui a reçu le Grand prix du jury. Zaïna a 13 ans, et dans un mois, ses parents veulent la marier. Elle raconte :
« Je veux aller à l’école, j’y suis déjà allée.
Je veux y apprendre le Monde et y rester.
J’aimerais rester avec mes amis.
Chez moi je me sens si seule, je m’ennuie. »
Louisa et Léna ont ému tout le public. Elles nous ont fait passer de la peine à l’espoir.
Parmi 1600 auditeurs bouche bée, on a pu retrouver des enfants venus avec leur classe et leur enseignant, mais aussi des familles ! Dès que les enfants ont commencé à lire leurs textes, le silence s’est installé. Chacun écoutait avec attention, parfois avec un sourire, très souvent avec les larmes aux yeux. Témoins d’une réalité dont ils ne sont pas encore les protagonistes, les jeunes auteurs ont utilisé la prose ou les vers pour transmettre un message engagé.
Les mots ont des horizons que les frontières ignorent
Des classes sont venues de loin pour la cérémonie de remise des prix de ce concours d’écriture. L’une d’elles a traversé l’océan Atlantique. Une classe de Guyane est montée sur scène pour slamer un texte bouleversant : Nous sommes des héritiers de Molière :
« Nous sommes des auteurs mananais
De ceux qui aiment raconter,
Nous nous sommes aidés de masques De pantins de bois et de farces,
Comme Molière, on veut dénoncer… »

Ils ont parlé de leur commune isolée, de leur théâtre de marionnettes, de leur envie de faire réfléchir les gens. Le nom de leur troupe : « On n’est pas des guignols ». Leur message : rire pour agir, rire en s’engageant.
Ce moment a été un des plus forts de la cérémonie. Ils ont reçu une véritable standing ovation ! On pouvait lire la fierté dans les regards de la classe, et l’émotion dans celui de la salle.
Des enfants engagés pour la planète
L’écologie était au cœur de nombreux textes. L’un d’eux, Cher Journal, écrit par deux collégiennes, décrit un monde où les déchets prennent toute la place :
« Je vois partout où je vais
Plusieurs tonnes de déchets
Débordant de leurs poubelles.
Comme s’ils avaient des ailes,
Ils s’envolent dans le vent… »
Leur texte s’achève par un message d’espoir. Car des enfants ramassent, nettoient, s’engagent, ce qui rend le sourire à l’héroïne du poème. Loin des discours fatalistes, Émilie et Giorgia le savent, il faut agir pour notre planète.
S’en est suivi Le Comte de Monte-Plastique, écrit par Loris, un élève de CE2. On y suit Edmond, un marin devenu héros de l’écologie après avoir sauvé un requin. Un vieil homme lui donne le pouvoir de transformer les déchets en animaux marins disparus. Venu accompagné de sa maman, Loris nous a transmis sa sensibilité à la nature.

L’école rêvée par ceux qui la vivent
Dans un autre texte, écrit par des élèves d’un dispositif ULIS, on découvre une école idéale. Une école où on apprend sans se moquer, où chacun a sa place, où on peut faire des erreurs sans honte. Le texte, Le monologue de Molière, parodie l’auteur pour imaginer un autre monde scolaire :
« Peu importe d’où tu viendras, qui tu seras, comment tu apprendras, tu y seras à ta place !
Des aménagements pour ceux qui en auront besoin !
Des espaces pour s’exprimer librement ! »
Ces élèves ont écrit ensemble, pour diffuser le plus loin et le plus fort possible leur vision de l’école de demain. À la fin, ils avouent que tout seul, ils n’y seraient pas arrivés. Mais en groupe, ils ont réussi.
Les enfants ne fuient pas les sujets difficiles
Dans Stopharcèlement, une collégienne imagine une notice pour un médicament magique qui soigne les douleurs invisibles : celles causées par les moqueries, l’isolement, le mal-être. Elle écrit :
« Vous dites “Je m’en fous” alors que vous pensez le contraire. […]
Pensées positives.
Peurs et idées noires envolées.
Ne plus se reconnaître dans le miroir des toilettes des filles. »
Entendre ces mots de la bouche d’une élève de 5e fut dur, mais cela montre le réel besoin de s’exprimer. L’autrice de ce texte a utilisé les mots pour dénoncer la réalité persistante de tant d’élèves aujourd’hui, mais qui doit changer. Ce texte a bouleversé autant les enfants que les adultes présents. Le temps de prendre quelques photos de l’écrivaine avec son prix, chacun a pu reprendre son souffle avant le texte suivant.
Écrire pour être utile
Ce que ces enfants montrent, c’est qu’on peut être jeune et avoir déjà beaucoup à dire. Qu’on peut écrire pour se sentir mieux, mais aussi pour faire bouger les choses. Ils ont compris que les mots peuvent transformer le monde.
Un texte collectif de collégiens, Si ensemble, nous prenions de Cyrano…, conclut ainsi :
« Nous sommes les gardiens de notre planète en danger !
Elle souffre ! N’est-il pas urgent de la protéger ?
C’est à nous que revient cette responsabilité !
Alors, tous ensemble aujourd’hui osons nous lever ! »
Une génération à écouter
Les Petits Molières montrent que l’écriture peut être une arme douce mais puissante. Ce jour-là, au théâtre Mogador, on a vu des enfants devenir rêveurs, poètes, citoyens.
Les Petits Molières, c’est un espace où ils peuvent s’exprimer, revendiquer, exiger qu’on les laisse construire un avenir où chacun a sa place. On sait à quel point il est crucial qu’ils se sentent écoutés, c’est pourquoi ils ont tous eu l’opportunité de faire imprimer un livre avec leur texte. Ils ont pu repartir avec leur écrit, mais surtout avec une certitude : leurs mots c’est leur force.
Et franchement, après avoir entendu leurs textes, difficile de ne pas croire en eux.
Ces articles pourraient vous intéresser :
- Participer à un concours d’écriture au collège : motiver les élèves en donnant à entendre leur voix
- Participer à un concours d’écriture avec des élèves de cycle 2
Classe multi-niveaux : comment bien gérer ?
Comment écrire un conte pour enfant ?
Ceintures de compétences : comment les utiliser en classe ?
Classe flexible : qu’est ce que c’est et comment se lancer ?
Territoires Numériques Éducatifs (TNE) : utilisez gratuitement Plume et Lalilo
Témoignage de Stéphanie, professeure des écoles en CE1-CE2 et ambassadrice Plume