C’est à 21 ans que Christelle Dabos a le déclic de l’écriture. En 2013, elle est lauréate du concours Roman jeunesse Gallimard avec son premier tome de La Passe-miroir. En tant que marraine et jury du concours d’écriture Les Petits Molières, elle partage aujourd’hui sa réflexion sur l’écriture engagée.
Je ne me suis jamais considérée comme une autrice particulièrement engagée. J’ai bien plus de doutes que de convictions, de questions que de réponses. Écrire cet article m’a amenée à réfléchir sur ma propre position.
C’est quoi, l’écriture engagée ?
L’engagement, c’est un peu comme un contrat. Il n’est pas en papier, il n’est pas imprimé noir sur blanc, mais il y a bel et bien notre signature dessus. Une signature morale. On s’engage en son âme et conscience, pour une cause ou contre une injustice. On veut défendre la liberté, l’environnement, la préservation des espèces et les mêmes droits pour tout le monde. On veut dénoncer le racisme, les guerres, l’intolérance, la censure, la maltraitance et toutes les formes de discrimination.
Et ce choix peut passer par les mots.
Le pouvoir des mots
Les mots sont puissants. Avec des mots, on éveille des émotions fortes chez l’autre. Joie. Colère. Peur. Espoir. Quand j’étais écolière, l’institutrice nous disait qu’un mot pouvait faire plus mal qu’un coup. C’est très vrai. Le contraire également : les mots consolent, réconfortent, encouragent, inspirent !
Ils libèrent la parole. Nommer une injustice, c’est rendre cette injustice visible : elle était là, mais personne ne la voyait ou ne voulait la voir jusqu’à ce que quelqu’un brise le silence.
Oui, les mots sont puissants et écrire, c’est déjà agir.
Faire passer un message ?
Écrire, c’est aussi transmettre. Qu’il s’agisse d’un poème, d’un essai ou d’un roman, on glisse nos pensées dans nos phrases et ces phrases seront lues par quelqu’un. Les œuvres de fiction elles-mêmes portent nos valeurs. L’histoire peut se dérouler dans le monde d’aujourd’hui ou dans une autre réalité : les mondes imaginaires sont souvent des reflets déformés du nôtre. Mais avoir une écriture engagée, est-ce forcément mettre une morale dans son récit ? convaincre le lecteur d’adhérer à une cause ? lui montrer l’exemple à suivre ? Une morale pourrait sous-entendre qu’il y a deux camps : le bien et le mal. Ou deux façons de faire : la bonne et la mauvaise.
Or, chaque situation compte d’innombrables facettes. Au sein d’une même cause, des camps se forment et s’opposent.
Prenons un exemple :
Deux personnes s’engagent avec la même sincérité pour la cause féministe, mais l’une est pour l’écriture inclusive*, l’autre est contre. La première soutiendra que le changement des mentalités commence par un changement dans la langue qui, à son tour, changera la façon de penser. La seconde estimera que c’est un débat artificiel qui détourne l’attention des véritables enjeux, tels que la parité ou le harcèlement.
Qui a tort et qui a raison ?
Plusieurs points de vue
Avoir une écriture engagée, ce n’est pas forcément détenir la réponse d’un problème. C’est se poser les bonnes questions – et toutes les questions sont bonnes à se poser. C’est se documenter, vérifier ses sources, écouter des témoignages, entendre plusieurs avis et être capable de remettre en cause ce que l’on croyait savoir.
Avoir une écriture engagée, c’est aussi se faire le plus conscient possible de ce qu’on écrit au moment où on l’écrit. Il peut être très intéressant de se relire en se demandant, à chaque phrase, ce qui nous a poussé à faire tel ou tel choix scénaristique. En effet, on peut véhiculer des préjugés ou des stéréotypes sans s’en rendre compte. Les voir, c’est déjà y renoncer.
En fin de compte, l’engagement est un choix que l’on fait pour les autres, mais aussi pour soi-même.
Christelle Dabos
*Écriture inclusive. L’écriture inclusive est un ensemble de règles et de pratiques visant à supprimer le sexisme présent dans la langue française et plus généralement dans la société. Cela passe par l’usage d’un vocabulaire, d’une syntaxe et d’une grammaire spécifiques.
Les Petits Molières, un concours d’écriture national
Vous êtes enseignant·e ? Christelle Dabos fait partie des marraines et du jury des Petits Molières, un concours d’écriture engagée pour permettre à tous les enfants de faire entendre leur voix grâce à l’écriture. Vous avez jusqu’au 7 avril 2023 pour vous inscrire et participer.
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