La poésie à l’école primaire a souvent une place toute particulière. En effet, le genre poétique est souvent cantonné à un apprentissage stéréotypé de récitations. Au fil du temps, la place de la poésie a néanmoins évolué dans les programmes scolaires.
La poésie est au croisement de la maîtrise de la langue et de l’enseignement artistique. Elle permet de solliciter la langue autrement. C’est un genre qui permet aux élèves de jouer avec les mots et de questionner leur rapport au langage. Et tout ceci dans une perspective ludique. Réciter une poésie permet certes la mémorisation, la diction, mais également l’interprétation. C’est un exercice d’élaboration du sens qui fait appel à la sensibilité de l’élève et interpelle son rapport au monde.
L’évolution de la place de la poésie à l’école primaire dans les programmes scolaires
L’exercice de mémorisation
La poésie est peu médiatisée et souvent écartée des manuels scolaires au profit des albums de littérature de jeunesse. Natalie Brillant Rannou, chercheur et didacticienne en poésie, voit la poésie comme un genre réservé à l’oralisation-mémorisation. Il est peu adapté à l’acquisition de compétences du lecteur scripteur au cycle 2. Selon elle, on reste sur des activités de mémorisation/diction/ mise en voix pour vérifier la compréhension. Puis on raconte, on récite et on dit à voix haute.
La poésie à l’école primaire ou l’apprentissage de la morale
Jean François Massol, spécialiste de la didactique de la littérature, s’est intéressé à la transformation des pratiques scolaires de poésie en France à la fin du XIXᵉ siècle. Celle-ci serait notamment liée aux lois de Ferry qui rendent l’école gratuite, laïque et obligatoire.
Néanmoins, comme le souligne Éloise Renoust dans ses travaux de recherche, la poésie est peu présente dans les manuels scolaires sous Ferry. Cela démontre du peu d’intérêt qui lui est donné. Pierre Giolitto estime que c’est un genre qui ne semble pas avoir sa place dans l’enseignement avant 1882. C’est à partir de cette date que la poésie apparaît enfin dans les programmes, sous forme de récitation.
Cet exercice qui consiste à réciter de la poésie a surtout un rôle de morale chez les élèves. Ceci en plus d’accroître leurs facultés de compréhension, d’élargir leur vocabulaire et leur syntaxe, et d’améliorer leur élocution.
Jusqu’en 1840, ce sont d’abord les poèmes sont d’abord constitués de vers, puis la prose fait progressivement son apparition. Considérée par certains comme étant plus difficile à mémoriser que la poésie en vers, la prose permettrait donc de développer davantage les compétences de mémorisation.
À partir de 1882, les manuels de récitation de poésie s’étoffent avec des pistes pédagogiques pour les enseignants, pour travailler sur le sens du poème. Les enseignants mettent en place des séances de vocabulaire pour expliquer les mots. Celles-ci associées à des exercices de syntaxe, de diction et de mémorisation. Néanmoins, la leçon de morale reste au cœur de l’exercice.
Quant à la production de textes poétiques, elle se limite à des activités d’imitation ou de paraphrase. Comme traduire des vers en prose, par exemple. En primaire, au collège et même au lycée, il n’y a aucune création poétique.
Une nouvelle mise en avant ?
Dans les années 1970, le Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire, appelée aussi « plan Rouchette », redéfinit la discipline du français pour favoriser le développement de la communication chez les élèves. La communication est en effet considérée comme étant la principale fonction du langage, car seul le besoin de communiquer et de s’exprimer peut permettre d’asseoir durablement les apprentissages. L’objectif est de permettre aux élèves de maîtriser le langage oral et écrit. La poésie est donc écartée des apprentissages.
En 2003, Antonio Rodriguez publie ses travaux du « Pacte lyrique », dans lesquels il montre que la réception du poème est spécifique et qu’elle mérite d’être pensée. En effet, le poème crée chez le lecteur qui le reçoit des images. Cette réception est personnelle et elle ne découle pas de compétences préalables.
Que disent les programmes sur la poésie ?
La poésie reste néanmoins mise de côté dans les programmes scolaires. On la retrouve surtout en classe dans des activités orales de mémorisation et d’oralisation. En 2018, les programmes ne la mentionnent d’ailleurs que deux fois en cycle 2 :
- la première consiste à « savoir apprendre une leçon ou une poésie […] » dans le préambule, lié au domaine 2 « les méthodes et les outils pour apprendre » ;
- la seconde est liée à la compétence « écrire des textes en commençant à s’approprier des démarches ».
En cycle 3, elle est un peu plus présente avec huit allusions :
- autour de l’oral : « utiliser les techniques de mise en voix des textes littéraires (poésie, théâtre) » ;
- de l’identification des principaux genres littéraires : « être capable d’identifier les principaux genres littéraires (conte, roman, poésie, fable, nouvelle, théâtre) et de repérer leurs caractéristiques majeures » ;
- en langue vivante étrangère (LVE) ;
- dans le volet histoire des arts.
L’accent est donc mis sur la culture littéraire et artistique. Les élèves sont amenés à lire des genres, des formes et des modes d’expression variés où la poésie apparaît.
Différentes façons d’enseigner la poésie à l’école primaire
Les attendus
- Cycle 1 :
- Dire de mémoire et de manière expressive plusieurs comptines et poésies.
- Avoir mémorisé un répertoire varié de comptines et de chansons et les interpréter de manière expressive.
- Cycle 2 :
- La fréquentation d’œuvres complètes permet de donner des repères autour des genres, des auteurs.
- Le poème est aussi évoqué dans les compétences « Copier de manière experte » et « Produire des écrits en commençant à s’approprier une démarche ».
- Lien avec les langues vivantes (au CE1 et CE2, reproduire une comptine, un poème…)
- Cycle 3
- Le poème est évoqué dans les compétences « Écouter pour comprendre », « Écrire à la main de manière fluide et efficace », « Parler en prenant en compte son auditoire » – Techniques de mise en voix de textes littéraires (poésie, théâtre en particulier).
- Comprendre un texte littéraire et l’interpréter.
- La poésie est un aspect important de la culture littéraire et artistique : les onglets « La morale en question » (fables, poèmes, chansons exprimant un engagement) et « Imaginer, dire et célébrer le monde » la mentionnent directement.
- Comprendre que la poésie est une autre façon de dire le monde.
- Lien avec les langues vivantes.
- Relier un texte connu (fable, poésie…) à son contexte culturel et historique.
- Langage oral : Dire de mémoire un texte à haute voix.
Des idées de projets pour enseigner la poésie à l’école primaire
- Encourager un rapport personnel à la poésie en mettant à la disposition des élèves un grand nombre de recueils.
- Confronter les manières de dire, les réceptions (mises en voix) et montrer que la mise en voix est déjà une façon d’interpréter un poème !
- Demander aux élèves de lire des poèmes de leurs choix, qu’ils ont lus ou étudiés les années antérieures : cela peut être une excellente façon de faire comprendre aux élèves les différents éléments qui composent un poème, comme la structure, le rythme, les métaphores et les images. On peut soi-même prendre l’habitude de lire un poème chaque jour pendant une période donnée pour les sensibiliser aux différentes formes : vers libres, poèmes en prose, haïkus, …
- Encourager les élèves à écrire leur propre poème : en leur donnant des thèmes ou des consignes précises, vous pouvez les aider à développer leur créativité et leur style personnel.
- Organiser des ateliers de poésie en proposant des débuts de poèmes ou des “écrire à la manière de” : pendant ces ateliers, les élèves peuvent échanger leurs poèmes et recevoir des commentaires de leurs pairs. Cela peut les aider à améliorer leur écriture et à comprendre les choix stylistiques de leurs camarades.
- Utiliser des supports multimédias : vous pouvez utiliser des vidéos, des enregistrements audio ou des présentations pour présenter des poèmes et susciter l’intérêt des élèves. Par exemple, si vous étudiez le poème Heureux qui comme Ulysse de Du Bellay, vous pouvez vous attarder sur les adaptations musicales de Brassens et Ridan. Les élèves adorent en général ce genre de liens interdisciplinaires, et cela facilite en plus l’apprentissage du poème.
- Inviter un poète à venir en classe : cela peut être une expérience très enrichissante pour les élèves de rencontrer un auteur de poèmes en chair et en os et de pouvoir poser des questions sur son processus de création. Cela dépoussière l’idée que les auteurs (et en particulier les poètes) sont morts depuis longtemps. De tout temps, les hommes et les femmes se sont lancés dans des processus d’écriture poétique !
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